Le journal britannique The Telegraph a publié, mardi 3 juin, des extraits d’un rapport scientifique du professeur Matt Goodwin sur le basculement démographique que va connaître le Royaume-Uni. Ce rapport s’appuie sur une méthode classique en démographie, dite « des composantes de cohorte », pour modéliser l’évolution de la population britannique jusqu’en 2100.
Selon les principales projections, les Britanniques blancs, représentant actuellement 73 % de la population, tomberaient à 57 % d’ici 2050, puis à 33,7 % en 2100 (Goodwin, 2025).
Les personnes nées à l’étranger ou enfants d’immigrés constitueraient 60,6 % de la population en 2100.
La population musulmane, aujourd’hui estimée à 7 %, atteindrait 19,2 % à la fin du siècle, voire 25 % dans un scénario de forte immigration musulmane.
Ces estimations sont fondées sur les taux de natalité différenciés : 1,39 pour les Britanniques nés au Royaume-Uni contre 1,97 pour ceux nés à l’étranger. Chez les musulmans, le taux de fécondité atteint 2,35, contre 1,54 pour les non-musulmans (ONS, 2023, Goodwin, 2025).
Un basculement déjà amorcé dans les grandes villes
Ce changement est déjà visible dans certaines villes. Le recensement de 2021 (ONS, 2022) révèle que Londres et Birmingham sont désormais à majorité non-blanche britannique. À Londres, seulement 36,8 % des résidents se définissent comme « White British » selon les données officielles (ONS, 2022).
Goodwin souligne les conséquences identitaires et politiques de ces évolutions. Il affirme que « la majorité des gens sur ces îles ne pourront plus retracer leurs racines au-delà de deux générations ». Il met en garde contre les risques de « turbulences politiques considérables », engendrés par une perte de repères culturels, et une division grandissante de l’opinion publique.
Ces conclusions rejoignent des travaux antérieurs sur la transformation démographique dans les sociétés occidentales, comme ceux d’Eric Kaufmann (Whiteshift, 2018), qui prédisait déjà une transition ethno-démographique majeure dans plusieurs pays européens, en lien avec l’immigration et les écarts de fécondité.
Critiques et débats sur la méthodologie
Plusieurs démographes appellent à la prudence. Les projections à long terme reposent sur des variables changeantes, telles que les politiques migratoires, les orientations économiques et le degré d’intégration sociale. Jonathan Portes, professeur au King’s College London, a expliqué dans un article publié par The Guardian en 2023 que les prévisions qui prolongent simplement les tendances actuelles sous-estiment souvent la capacité d’adaptation des sociétés. De plus, la notion même de « Britannique blanc » évolue avec le temps et les mariages mixtes.
Le professeur David Coleman (Université d’Oxford), bien qu’ayant défendu des thèses similaires dans les années 2010, admettait que les catégories ethniques étaient instables et influencées par des facteurs sociaux et subjectifs (Population and Development Review, 2010).
Ce rapport intervient dans un contexte politique chargé. Le Royaume-Uni a connu une immigration nette record en 2023 (906 000 personnes), sous un gouvernement conservateur, tandis que le Parti travailliste défend aujourd’hui une politique migratoire plus restrictive.
Ces projections amplifient les débats sur l’identité nationale, l’intégration et la cohésion sociale. Le leader travailliste Keir Starmer a récemment mis en garde contre le risque que le Royaume-Uni devienne une « île d’étrangers » (The Telegraph, 2025).
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